Éducation thérapeutique et oncologie échanges musclés

Je me suis invitée à la 1ère rencontre régionale « Parcours de soins et éducation des patients en cancérologie » qui a eu lieu le 15 novembre 2016 à Saintes. Un sujet qui me tient particulièrement à cœur en ce moment puisque je bosse sur mon bouquin pour l’auto prise en charge dans le cadre du cancer du sein donc je ne pouvais pas ne pas y aller 😉 . Invitée…parce que je l’ai appris par hasard grâce à Catherine (que je remercie au passage), une collègue kiné rencontrée à ma dernière formation de pilates (si ça vous intéresse : Pilates : ma formation kiné.) Déjà un souci de communication vers les libéraux peut-être…

NB : cet article sur l’Education Thérapeutique du Patient (ETP) est technique et intéressera essentiellement les professionnels de santé. Pour les autres je vous invite quand même à jeter directement à un coup d’œil au dernier paragraphe « synthèse de la journée » parce que malgré tout cela nous concerne tous. Et en tant que patient vous pouvez devenir patient ressource si vous souhaitez vous investir.Si vous ne savez pas ce qu’est l’etp, un article pour comprendre : education-therapeutique-patient-1/

Organisation de la journée

Avant tout je tiens à féliciter l’équipe de l’hôpital de Saintonge qui a organisé la journée parce que tout était parfait, du petit-déj’ au soir dans les beaux locaux du CA prêtés gracieusement et avec Pfizer comme laboratoire partenaire (comme ça les liens d’intérêt c’est fait !). Avant de venir, chacun des participants a choisi de participer à 3 ateliers sur les 6 thèmes proposés qui se dérouleront sur la journée entre la plénière d’introduction et le soir la plénière de synthèse de ce qui s’est dit dans tous les ateliers de la journée.

Plénière d’introduction

La voix de l’ARS

Patrick Lepault, conseiller médical de l’ars et référent régional cancer introduit le programme de la journée.

Philippe Marcou, chargé de mission en charge de l’etp à l’ARS Nouvelle-Aquitaine, reprend le micro et insiste notamment sur la nécessité de faire les soins proche du domicile du patient dans le cadre du plan d’action cancer. Il annonce pour l’etp la mise en place d’une politique financière avec appel à candidature. Tout à fait par hasard je ferais tous mes ateliers en même temps que Philippe Marcou qui en temps que représentant de l’ARS sera systématiquement interpellé sur le financement possible de l’ETP par l’ARS, une problématique récurrente toute la journée auquel il essaiera de répondre avec diplomatie mais sans complaisance.

Description de la mise en place d’un programme d’ETP en chimiothérapie orale

Guillaume Herblin et Dominique Marouby, à l’origine de la journée, nous racontent ensuite à deux voix leur rencontre et comment ils en sont venus à faire de l’etp : rencontre à l’ipcem en formation etp en 2012 où ils prennent conscience de l’importance de l’etp pour l’observance et la liberté de choix du patient dans le cadre d’une chimiothérapie.

Ils créent l’A.M.O.U.E.T.T.E (référence au logo de la Charentes-Maritimes) en 2014 av l’ireps, les urps, l’ars et l’industrie pharmaceutique. Dominique Marouby insiste sur la pluridisciplinarité de l’équipe qui fait de l’ETP, pluridisciplinarité qui n’a fait qu’augmenter depuis la création. A ses yeux, une priorité pour créer un programme d’ETP : la sécurité de la prise en charge et un obstacle pour les professionnels de santé : le temps.

Initialement l’Amouette a déposés à l’ARS 4 ateliers en 2014 ainsi qu’une consultation d’accompagnement IDE pour toute chimiothérapie orale avec un bilan éducatif. Pour démarrer la mise en place des ateliers collectifs, Guillaume Herblin parle de la réticence initiale des patients à venir parler en groupe autour de leur pathologie.

Une fois le programme d’etp pour la chimiothérapie orale accepté, l’équipe a développé des outils pour les ateliers. Par exemple on sait qu’il existe souvent des effets secondaires sur la peau dans le cadre de la chimiothérapie orale donc pour un des ateliers, les animateurs proposaient des photos de peau avec ou non des problème, le patient doit repéré s’il existe un souci sur la photo de peau, puis le groupe propose une solution qui est validée par les animateurs de l’atelier.

Le programme déposé initialement à l’ARS a évolué avec la création de deux nouveaux ateliers sur « sport et cancer du sein », et « apprivoiser mes douleurs » . Les participants peuvent être les patients qui prennent une chimiothérapie orale mais aussi les accompagnants, en particulier pour l’atelier « manger avec plaisir » puisque ça ne sert pas à grand chose de toucher celui qui ne cuisine pas.

Le retour des patients est majoritairement positif. Ils sont très satisfaits de pouvoir discuter avec des professionnels de santé et avec d’autres patients. D.Marouby insiste sur le manque d’implication des médecins généralistes ce qu’il n’explique pas.

Les animateurs sont des professionnels de santé pluridisciplinaires mais aussi un patient ressource formé en ETP et qui a un rôle important.

La certification en ETP

Actuellement l’équipe d’ETP est confronté à un nouveau challenge : l’obligation depuis 2015 d’avoir au moins un des animateurs certifié au sein du binôme. Cette certification s’obtient en 40H, ce qui peut être assez lourd. Une piste avancée est de faire la certification via un module d’e-learning.

Perso je trouve que c’est une mauvaise idée parce que même si je suis plutôt pour le e-learning, je pense que les compétences nécessaires pour l’etp passe par la confrontation directe avec d’autres. Dans un autre atelier, il sera évoqué la possibilité de segmenter ces 40H pour permettre au professionnel de santé qui a suivi par exemple 3jours sur les 6 d’avoir quand même une reconnaissance. Au passage j’en profite pour remercier l’URPS Poitou-Charentes (même si elle n’existe plus…) et notamment Eric Buna d’avoir mis en place deux promotions de 12 Masseurs-Kinésithérapeutes tous formés à l’ETP 🙂

Question dans la salle : comment se fait le recrutement des patients ?

Le médecin lors de la 1ère prescription de chimiothérapie orale donne la plaquette pour transmettre une 1ère fois l’information. Le patient est revu deux jours après par un IDE qui lui propose les ateliers. Environ 20% des patients sont recrutés dans le programme d’ETP. Le patient-ressource qui a participé à la création du programme insiste sur le fait de ne pas proposer l’intégration au programme d’ETP au moment de l’annonce du diagnostic ms au au moins 15 jours après pour ne plus être dans la sidération.

2e question : quid du secret médical en atelier ?

C’est le rôle des animateurs lord du début d’un atelier de rappeler les règles de confidentialité, et les animateurs sont tenus à l’anonymat lors de leur rapport final sauf en cas de mise en danger.

Atelier « coordonner un programme d’ETP »

Pour cet atelier nous recevons deux documents : un livret destiné à inciter les professionnels de santé de santé à faire de l’etp et un carnet de suivi pour le patient, tous les deux financés par Pfizer.

Si ces documents vous intéressent : Cancer pact onco

2 intervenants :

  • Mme Martin Dupont directrice de Cetba/utep2A
  • M Delavaud responsable Utep Limoges et médecin diabétologue

C’est le 1er atelier et il est plus freestyle dans son organisation. Quelques réflexions en bref :

  • « L’ETP se prête mal au cours », ce qui pose le problème de la formation initiale des pros de santé. Mme Martin-dupont « même s’il y a de l’ETP dans la formation initiale, si rien n’est fait à la sortie, il faut souvent le refaire pour intégrer un programme d’ETP ». Et perso je pense que l’ETP touche tellement au savoir-être que l’on a intérêt à le faire et le refaire pour être capable de l’utiliser !
  • Question piège par M.Delavaud : « Faut-il porter une blouse quand on fait un programme d’ETP? » Mega facile comme réponse, mes formateurs en ETP nous l’ont déjà faite. Donc non puisque le pro de santé doit se présenter comme un éducateur et non comme celui qui sait. Personnellement je pense que cette question est surtout intéressante pour faire réfléchir sur le fond plus que sur la forme, l’important étant en tant que pro de santé étant de se positionner au même niveau que le patient pour réfléchir avec lui et ceci est plus complexe que le port ou non de la blouse…
  • Il faut aller vers l’ETP intégrée aux soins et non à côté. D’après Mme Martin-Dupont, « la priorité de l’ARS Nouvelle-Aquitaine est le développement de l’ETP en ambulatoire ». Une piste à creuser en tout cas…Une participante qui se présente comme cadre de santé insiste sur l’importance de sortir l’ETP de l’hôpital pour être au plus proche du patient et travailler avec les libéraux. Bah oui on aimerait bien…
  • dans cet atelier pour la 1ère fois j’attends parler d’une organisation différente pour les programmes d’ETP : 2 niveaux de coordination avec les animateurs en 1ère ligne puis un coordinateur pour gérer les animateurs. Devenir coordinateur impliquerait 6 jours de formation en plus de la certification initiale d’ETP… certes cela est justifié par le nombre de compétences à acquérir mais reste très lourd ! M.Delavaud rappelle qu’aujourd’hui un programme ne peut être déposé à l’ARS si tous les intervenants ne sont pas formés.
  • un problème évoqué tout au long de la journée : la transmission des données ville-hôpital. L’idée serait de mettre en place un continuum hôpital/ambulatoire. Les données du dossier patient devraient être numérisées sur un cloud grâce au logiciel Ceppia (?)… ce qui pour moi pose encore la question du #bigData et de la sécurisation des données médicales… Les intervenants soulignent l’importance du médecin traitant pour faire le lien. S’il y a des médecins traitants qui lisent cet article, je veux bien votre avis sur le sujet parce que vu le nombre de fois dans cette journée où vous êtes désignés comme responsable du manque de lien ville-hôpital, votre droit de réponse est tout acquis !

L’évolution de l’ETP, c’est passer de la pluri à l’interdisciplinarité, de l’hôpital à l’ambulatoire

  • Une autre citation de M.Delavaud pour comprendre ce qu’est l’ETP :

« Informer est nécessaire mais c’est différent de l’ETP qui s’intéresse à la vie avec la maladie »

  • parlons sous puisque ce thème aussi reviendra toute la journée. D’après M.Delavaud :« la nomenclature pour l’ETP pour l’acte existe à la cnam… mais sans volonté politique. 1€ d’ETP en rapporte 4 mais le 1er Euro n’y est pas »

Atelier « L’ETP en maison médicale pluridisciplinaire »

Intervenant Pascal Chauvet IDE

Qu’est-ce qu’une MSP ?

Actuellement 10% des professionnels de santé sont en MSP. La Nouvelle Aquitaine a le plus grand nombre de MSP en France. 90% des MSP sont en territoire rural. Le but est que les MSP rentrent ds les CPTS : commission pro de territoire de santé

MSP, CPTS, PTA : j’ai l’impression que les gens ne parlent qu’en acronyme aujourd’hui… et je ne les connais pas tous, loin de là !

Comment faire de l’ETP en MSP ?

En ambulatoire comment financer 1 programme d’ETP ? Il n’y a pas de rémunération à l’acte pour les libéraux sauf pour les maisons de santé pluri professionnel pour lesquelles la Sécurité Sociale a un forfait d’environ 25 à 40mil Euros pour le fonctionnement complet de la MSP.

Le fonctionnement d’une MSP se fait grâce à la dotation par structure de la MSP qui décide de l’utilisation de ces fonds. L’ETP donne des points qui donne droit à des fonds pour l’année d’après. Le programme peut être mis en place par un prestataire extérieur ou interne à l’équipe.

L’ARS propose 700 points pour deux programmes d’ETP. 1 point vaut 7€. Mais la MSP peut choisir d’allouer plus d’argent à l’ETP si elle le désire. Il existe d’autres financements par des appels d’offre à l’ARS ou via des mutuelles comme la MSA avec 1 programme cardio. Visiblement les processus de financement sont opaques et actuellement il est très compliqué de faire de l’ETP en ambulatoire sauf à faire parti d’1 MSP.

Dixit l’intervenant même si un psychologue n’est pas un pro de santé il peut intégrer 1MSP. Idem pour les APA. Mais pas les ostéo.

Un exemple concret : le pôle de santé de l’Envigne

Présentation du pôle de santé de l’Envigne : 35 pro de santé dont 9 sont formés à l’ETP. Le pôle a choisi de mettre en place un programme d’ETP cardiovasculaire.

Une particularité : un atelier est réservé uniquement aux aidants.

Plusieurs ateliers :

  1. représentation du cancer
  2. effet des traitements
  3. nutrition
  4. APA+bilan initial et final. Groupe de 5 patients. L’APA est faite par 1 kiné formé à l’ETP et au reconditionnement à l’effort

L’ETP a été développée tout azimut. « Maintenant il faut essayer de mutualiser. C’est la volonté de l’ars »

Question : Quelles sont les difficultés rencontrées par la MSP ?

L’intérêt des médecins généralistes et le recrutement des patients. Or il faut absolument 1 médecin pour 1 programme d’ETP (même s’il n’intervient pas dans le programme).

Question : l’hôpital est-il au courant de votre MSP ?

Présentation dans l’hôpital à 2 services différents, l’ars travaille sur des outils communs de communication entre hôpital et ambulatoire.

Atelier « Fatigue-activité physique-cancer »

Sensibiliser les patients aux bienfaits de l’APA

Démarrage sur les chapeaux de roues pour ce dernier atelier par une phrase à laquelle je ne peux qu’adhérer

« l’Activité Physique pendant la chimio : AMÉLIORE la qualité de vie et après : AMÉLIORE la survie »

Mise en place d’un atelier de  2h tous les 3 mois. Pour que ça marche, il faut que le patient ait un intérêt personnel à réaliser une 1 AP régulière donc le but de l’atelier est de sensibiliser les patients aux bienfaits de l’APA (Activité Physique Adaptée)

  • Déroulement de l’ atelier : utilisation d’une question starter « d’après vous quels sont les effets d’APA? ». Les patients inscrivent 1 mot par post-it (positif ou négatif) puis synthèse par l’intervenant qui en profite pour faire passer le message de l’intérêt de l’APA tout ça pour répondre à « je suis capable de comprendre l’intérêt et les bienfaits de l’AP sur ma santé »
  • Puis pour le but « je suis capable d’intégrer ds ma vie personnelle 1Ap régulière ». En pratique plusieurs photos avec des chaussures, 1 ascenseur, 1 balade en forêt. Le patient choisi 2 photos. l’animateur essaie de transmettre le message de choisir 1AP cardio et 1 d’étirements. Cet atelier répond à la demande du patient pour la gestion de sa fatigue.

Dernière présentation « coup double : escrime et nutrition en action face au cancer du sein »

avec la mise en place de 6 ateliers nutrition +15 séances d’escrime d’1h30 par groupe de 5 patientes. Le sabre pèse 450g à bout de bras et il est toujours porté du côté opéré. le Docteur Hornus a créé l’association RIPOSTE pour la pratique de l’escrime ds le cadre du cancer du sein.

Retour d’expérience d’un APA

Dernière intervention par un APA de #bordeaux « je suis 1 professeur de sport destiné à travailler dans la santé » Financement de l’hôpital en cdd depuis 9 ans. A bergonié financement ligue – ars au départ.

Mauvaise surprise de la journée : à part ma collègue aucun kiné…et l’APA est présentée que par des APA et on ne parle pas de reconditionnement à l’effort.

Plénière

Appel à candidature par l’ARS prévu en décembre pour 2 groupes de travail pour le site pass Nouvelle Aquitaine pour regrouper toutes les informations sur l’ETP à partir de l’actuel site de l’Aquitaine http://www.pace-aquitaine.com

Pour l’ambulatoire évolution pour l’ars : ne pas exiger les 40 heures pour être certifié, prévoir le financement pour les libéraux.

Synthèse de la journée

Les problématiques récurrentes de la journée : le lien ville – hôpital à développer (créer…), le financement et le problème du recrutement des patients

Une journée bien riche… Je me suis rendue compte qu’alors qu’en ambulatoire on découvre, en hôpital il y a plein de programme d’ETP. Mon sentiment en sortant de là : l’ETP ce n’est pas pour les libéraux. Ok ma conclusion est caricaturale mais c’est vraiment ce que j’ai pensé. Heureusement tout n’est pas perdu pour nous professionnels de santé libéraux et surtout pour nos patients puisque l’on peut quand même faire « des actions éducatives. » Ouf !

Vous en voulez encore ? Vous êtes fou #bonusBibliographie

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