Bilan Diagnostic Kiné Cancer du sein on en fait quoi ?

Le Bilan Diagnostic Kiné (BDK) une obligation légale… oui mais à qui correspond-t-il ? A quoi et à qui sert-il ? Il est actuellement remis en question. Je profite de ma visite au Mondial de la rééducation ce week-end pour réfléchir sur le BDK et ma pratique et tester les logiciels existants.

Le Bilan-Diagnostic-Kiné qu’est-ce que c’est ?

C’est un bilan qui normalement est obligatoire et que chaque Masseur-kinésithérapeute doit réaliser lors de la 1ère séance avec son patient. C’est le seul acte intellectuel des kinés qui est reconnu par la Sécurité Sociale puisqu’il bénéficie d’une cotation dans le Nomenclature Générale des Actes Professionnels et qu’il est remboursé totalement (le coût de cet acte augmente en fonction du nombre de séances prescrites)

La rémunération de ce bilan se côte AMS 8,1 (soit 17,41 euros) pour les traitements entre 10 et 20 séances de rééducation fonctionnelle inscrits à la NGAP, puis de nouveau la même cotation toutes les 20 séances. Exception pour les traitements des conséquences des affections neurologiques et musculaires, en dehors des atteintes périphériques : le bilan se côte alors AMK 10,1 (soit 21,72 euros) pour les traitements entre 10 et 50 séances, puis de nouveau la même cotation toutes les 50 séances.
La cotation en AMS, AMK ou AMC du bilan est forfaitaire et ne peut être appliquée que pour un nombre de séances égal ou supérieur à 10. » Article de Medicapp Connect sur les BDK

Il est apparu dans le Décret n°96-879 du 8 octobre 1996 puis introduit dans la NGAP en 2000. En 2003 il est proposé un modèle de fiche-synthèse. Normalement le BDK est sensé être plus complet et il est destiné à rester dans le dossier du kiné tandis que la fiche de synthèse est, comme son nom l’indique, synthétique et doit être envoyée aux caisses à la fin du traitement. Dans cet article j’ai choisi de parler uniquement de BDK puisque pour moi un BDK bien construit doit inclure une fiche de synthèse. C’est un choix qui répond aux pratiques sur le terrain mais qui ne correspond pas au texte officiel.

Le Bilan-Diagnostic-Kiné est enseigné à l’IFMK, l’école des kinés. On essaie de formater les étudiants à l’utiliser de manière systématique et pourtant tellement peu de BDK sont facturés à la Sécurité Sociale que cela risque de disparaitre…

Que contient le Bilan-Diagnostic-Kiné ?

Voilà la définition du texte officiel (JORF n°140 du 19 juin 2003 page 10320
texte n° 94 merci @pastagaz pour le lien : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000412296&dateTexte=&categorieLien=id) :
« Cet outil de coordination permet au masseur-kinésithérapeute d’informer le prescripteur et le patient des différentes étapes du traitement : bilan des déficits structurels et fonctionnels de son patient, diagnostic kinésithérapique, objectifs, protocole thérapeutique. »

Et plus loin le BDK est un « acte intellectuel du masseur-kinésithérapeute qui résulte du bilan proprement dit des déficits structurels et fonctionnels, enrichi d’un pronostic fonctionnel, d’objectifs et de propositions thérapeutiques. » En gros le BDK doit être la trace écrite de tout ce qui est lié à la prise en charge du patient et à son évolution.

Contrairement à ce que pensent certains kinés « le BDK fait parti du dossier patient enfermé au secret dans notre bureau » et certains patients « cela ne m’intéresse pas, je vous laisse mon corps et je le reprends à la sortie », le Bilan-Diagnostic-Kiné appartient aux kinés ET aux patients. Une notion pas toujours évidente… même si elle est inscrite noir sur blanc dans le texte officiel dans l’avis relatif à l’avenant à la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs de 2003 : « Elle est également tenue à la disposition des patients. »

Idéalement il doit même être réalisé de manière conjointe parce que l’implication du patient le prépare à être acteur voire auteur de sa rééducation (merci à Gael Bourry de m’avoir fait comprendre la différence : cf ma formation en Education thérapeutique du Patient education-therapeutique-patient-1/) et que celle du kiné lui permet d’avoir des patients motivés et de leur proposer un programme de soin adapté et personnalisé aux besoins du patient.

Pourquoi faire un BDK ?

Le BDK demande un investissement en temps et en énergie alors pourquoi s’embêter à en faire ?

Pour le Masseur-Kinésithérapeute :

  • le 1er intérêt, qui peut paraître basique, c’est de… respecter la loi puisque c’est une obligation légale
  • parce que cela permet de voir pour le kiné et pour le patient l’évolution d’un traitement ! Souvent avec le temps on oublie où on en était au début. Et pour les patients chroniques cela peut aussi être une source de motivation
  • parce que c’est un super outil de communication avec les autres professionnels de santé, quel qu’il soit. Je sais que certains disent que les médecins ne prennent pas le temps de les lire… À mon avis, pour diminuer cela, de notre côté il faut pouvoir produire un document synthétique et visuel qui accompagne le BDK complet. Et même s’il ne le lisait pas, notre BDK a aussi un autre lecteur qui pourra éventuellement le relancer : notre patient !
  • cela fait parti de nos honoraires

Pour le patient :

  • puisqu’on parle beaucoup en ce moment d’empowerment et d’être acteur de sa santé, les patients vous avez le droit de demander votre fiche de synthèse du Bilan-Diagnostic-Kiné à votre kiné. Ce document vous servira pour vous rappeler ce que vous avez fait comme traitement.
  • pour communiquer avec les autres professionnels de santé qui s’occupent de vous. Même si en théorie tous les professionnels de santé devraient communiquer entre eux, sur le terrain ce n’est pas le cas donc si vous apportez votre Bilan-Diagnostic-Kiné par exemple à votre nouveau kiné si vous déménagez, cela permet d’avoir un meilleur suivi de traitement.
  • pour garder la motivation ! Souvent on ne se souvient plus d’où on en parti et voir votre évolution vous permettra de vous remonter le moral.
  • pour suivre l’évolution d’une pathologie. Bien sûr à priori l’évolution du bilan d’une entorse de cheville simple sera plus positive que celui d’une maladie chronique sur le long terme. Mais le Bilan-Diagnostic-Kiné dans ce cas sert aussi d’outil pour suivre l’évolution d’une maladie chronique et de vos besoins en kinésithérapie
  • c’est un acte remboursé

Dans la vraie vie ça donne quoi ?

J’ai voulu trouver des statistiques précises sur la pratique des BDK par les kinés, le taux de facturation et le taux d’envoi aux professionnels de santé. Bon un peu un parcours du combattant…

J’ai fait un sondage sur Twitter pour savoir combien de kiné pratiquaient le Bilan-Diagnostic-Kiné (merci à tous ceux qui ont participé 🙂 ) On a un taux de 6O% de bilans fait systématiquement pour tous les patients et je pense que ce taux est largement biaisé par le fait de m’être adressé à la communauté des kinés sur Twitter.

Voilà les résultats du sondage de Medicapp connect avec une centaine de participants… Je peux me tromper mais je pense que la majorité des kinés en libéral ont plus de 25 nouveaux patients par mois donc on est loin du 100% de BDK réalisés.

J’ai trouvé un slide de la CPAM de la Gironde en 2009 (oui je sais ça commence à dater j’espère que les chiffres ont augmentés…) qui parle de 40 Bilans-Diasgnostic-Kiné en moyenne par kiné donc sûrement pas un par patient !

D’après la thèse d’Évelyne Delaunay qui date aussi de 2009 🙁 il y aurait également des disparités régionales importantes. La vie d’un Bilan Diagnostic Kiné c’est :

  1. d’être réalisé
  2. d’être facturé
  3. d’être envoyé

D’après Dominique Dupont, formateur à l’Institut National de Kinésithérapie sur les Bilans Diagnostic Kiné, le taux d’envoi sur lequel il est difficile d’avoir des chiffres précis serait inférieur à… 5% #fail L’avantage c’est qu’on a une bonne marge de progression.

Évidement j’ai cherché à avoir les chiffres officiels de facturation de Bilan-Diagnostic-Kiné par la Sécurité Sociale. Je n’ai eu aucune réponse à ma demande. Même si le taux de facturation des BDK ne correspond pas au taux de réalisation des BDK puisque d’après le sondage réalisé par Medicapp Connect seuls 75% des kinés facturent leur bilan, c’est l’indicateur choisi par la Sécurité Sociale pour évaluer cela. Cela met en danger la reconnaissance financière et intellectuelle par la CPAM de cet acte puisque il est écrit dans le texte qui régit cela qu’il n’est plus valable en cas « de non-respect grave et répété des engagements de l’accord du fait de l’une des parties ». Or avoir un taux aussi bas de facturation pourrait peut-être être considéré comme cela et il est fort probable que cela fasse parti des prochaines renégociations.

Pourquoi le Bilan-Diagnostic-Kiné n’est pas un outil plus utilisé par les kinés ?

Vaste question… à laquelle Michel Gedda apporte un certain nombre de réponse dans cet article : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1779012313003719

En tant que kiné, on se considère et on est considéré comme une profession manuelle et non intellectuelle. On a souvent tendance à prendre les informations à l’oral… simplement parce que nos mains sont déjà occupées. Lors de ma formation en Éducation Thérapeutique du Patient, ça a été une révélation pour moi quand certains collègues ont dit que tout simplement ils prévenaient le patient que la 1ère séance était réservée au Bilan-Diagnostic-Kiné ! Du coup je ne suis plus en mode stress « vite fait un bilan à l’oral pour tout de suite pouvoir toucher la personne sinon elle aura l’impression que tu ne fais pas ton boulot de kiné » Comme dirait Norman, »FAUX! »

Au contraire j’ai adopté la stratégie de mes collègues et j’informe les patients lors de la prise de rendez-vous. Et à ma grande surprise je n’ai eu aucune remarque. Cela diminue le temps que j’y passe en dehors de la consultation et cela a eu un impact direct sur les informations que je donne puisque j’ai plus de temps pour ça :

  • mon Bilan-Diagnostic-Kiné est beaucoup plus complet, je n’oublie plus le projet du patient (la honte…), je lui donne les grandes lignes du programme de soin, j’introduis les 1ers éléments d’Éducation Thérapeutique parce que cela sera plus facile quand on y reviendra
  • Je demande à mon patient s’il est d’accord (là souvent deux réactions soit il bug « mais c’est vous le professionnel » soit il s’intéresse et c’est en bonne voie, bref ça me donne aussi un 1er retour) et s’il a des questions
  • Point pratique : je l’informe du paiement, des modalités de remboursement, de ce qui ce passe s’il ne vient pas à une séance sans avoir prévenu. Cela permet de faciliter les relations ensuite.

Mon objectif pour décembre 2016

J’ai évolué dans ma pratique mais je ne suis toujours pas satisfaite. La prochaine étape : communiquer ces BDK aux autres professionnels de santé. Parce que c’est bien de faire un bilan dans son coin, mieux de le créer avec le patient… et encore mieux de le partager avec les autres professionnels de santé qui s’occupent aussi de ce patient. Ça c’est pour la théorie… mais en pratique ?

Comment mettre en place le Bilan-Diagnostic-Kiné en pratique ?

Je n’ai pas trouvé la solution idéale pour l’instant :

  • actuellement je fais mon bilan sur papier. Si je décide de l’envoyer à un autre professionnel de santé ou de le donner à mon patient, je le retranscrit sur l’ordinateur puis je l’imprime pour l’envoyer par courrier et non par mail à cause du problème de sécurisation des donnés de santé. Il n’existe de modèle obligatoire à suivre. Voilà celui que j’ai fait dans le cadre de la prise en charge kinésithérapique du cancer du sein BDK cancer du sein
    • Les points  positifs :
      • très facile d’imprimer une feuille de score à donner au patient pour qu’il le remplisse sans le kiné
      • pas de problème de sécurité informatique
      • pas de matériel en plus
    • Les points négatifs : très chronophage… ce qui explique cet statistique de 2012 où 77% des kinés utilisent l’outil informatique pour faire les BDK (dans l’étude pas de différenciation s’ils utilisent le 2ème ou la 3ème possibilité… dommage)
  • 2ème possibilité : mettre un ordinateur dans la pièce de soin pour l’avoir sous la main et utiliser des modèles informatiques pré-remplis où on a juste à rajouter les réponses.
    • Les points positifs :
      • bilan entièrement personnalisé par le kiné puisque c’est lui qui les a fait
      • gain de temps
      • pas de coût supplémentaire
    • Les points négatifs :
      • investissement initial en temps important pour le kiné puisque c’est lui qui créé les modèles
      • nécessite pour le kiné de se tenir à jour tout le temps et d’être capable de créer un bilan pertinent pour TOUTES les pathologies existantes en étant au courant des dernières recherches pour que son bilan soit toujours d’actualité
      • investissement en matériel éventuellement
  • 3ème possibilité : acheter un logiciel exprès pour les bilans comme Medicap ou fooolow health. Kiné 4000 propose aussi une partie complémentaire à son logiciel de gestion qui est moins cher que les deux autres mais a priori moins complète.
    • Les points positifs :
      • gain de temps
      • toujours d’actualité
      • possibilité de le lier au logiciel de gestion
    • Les points négatifs :
      • coût important d’achat du logiciel (et éventuellement de matériel)
      • facilité de personnalisation en fonction des spécialisations du kiné ?
      • facilité d’utilisation ?
      • possibilité pour le patient de remplir un score en ligne en lui prêtant le support sans qu’il ait accès aux autres dossiers ? Ou possibilité d’imprimer une version papier facile à ré-intégrer dans le dossier numérique ?
      • sécurisation des données ?

Voilà ce que j’espère trouver comme réponse au Mondial de la Rééducation ce week-end. Je ferais un bilan en décembre pour voir ce que j’ai réussi à atteindre comme objectif et ce que j’ai choisi comme méthode.

Mise au point après mon retour du Gicare

Je suis allée voir les 3 logiciels pour les bilans. Voilà à mes yeux les caractéristiques de chacun :

  • Médicapp connect : j’ai eu quelques réponses à mes questions grâce à Maya Eders la créatrice de cette entreprise. Médicapp connect est une application donc elle ne nécessite d’être constamment reliée à Internet, ce qui permet de l’utiliser par exemple dans les transports. Il est possible de télécharger une version gratuite limitée à quelques patients pour pouvoir tester le fonctionnement. Elle n’est pas en lien avec Kiné 4000, uniquement avec KineMax. Pour l’utiliser le support matériel le plus facile est une tablette d’environ 10 pouces, qu’elle soit andoïd ou apple. Mon collègue avait testé la version gratuite sur son smartphone mais comme la majorité des kinés, il va passer sur tablette pour une utilisation plus fréquente. On trouve des tablettes à environ 200€. L’intérêt c’est de ne pas être dépendant de son ordinateur de bureau et de pouvoir l’avoir sous la main dans la salle de soin. Les BDK sont standardisés mais il est possible soit de créer soi-même un bilan personnalisé (Maya disait qu’en moyenne les kinés utilisent 2 bilans fait par leur soin) soit de les contacter en leur demandant de vous faire un modèle de bilan avec telle question et tel score. Pour l’instant dans un cabinet multipraticien il n’est pas possible de d’identifier les différents praticiens pour un même patient mais cela devrait arriver dans les prochaines mises à jour. La sécurisation des données se fait par le choix du code et l’envoi à un cloud adapté aux besoins de la e-santé. Les BDK sont disponibles sous forme de PDF que vous pouvez vous envoyer sur votre mail. Le coût au Gicare est de 18€/mois pendant 3 mois pour tester l’application, avec possibilité de garder le même tarif pour un ré engagement d’un an. Si vous arrêtez votre contrat avec eux, vous ne pouvez plus modifier les données mais les BDK que vous avez fait restent accessibles et téléchargeables. http://medicappconnect.com/
  • Foloow health :  je ne les ai pas choisi parce qu’ils fonctionnent par un site et non par une application et que cela ne correspondait pas à mon besoin http://www.folloow.fr/
  • Kiné 4000 : si j’ai bien compris Kiné 4000 propose 2 types de logiciels complémentaires : BDK et Valoris. Le commercial ne nous a pas présenté Valoris, je ne sais pas pourquoi. Vous pouvez imprimer ou envoyer par messagerie sécurisée à un autre professionnel de santé. Le support adapté est l’ordinateur. A Rééduca ce logiciel était proposé à 70€ puis 25€/an. L’avantage est qu’il est en lien direct avec Kiné 4000 donc vous n’avez pas besoin de rentrer à nouveau les coordonnées du patient. Par contre il n’y a pas de possibilité de personnalisation. http://www.rmingenierie.net/logiciel-kine-4000
  • Aucun des de ces 3 logiciels ne propose de solution pour le fait de permettre au patient de remplir ses tests à la maison et de les ré-intégrer dans le dossier numérique.

Finalement un collègue et moi avons décidé de tester Médicapp connect tandis que ma meilleure amie va tester BDK de Kiné 4000. Le résultat pour décembre !

Pour moi la systématisation du Bilan-Diagnostic-Kiné est une condition sine qua non pour l’amélioration de la prise des charges des patients. J’espère que cet article servira aux kinés qui cherchent des solutions pratiques pour réaliser leur BDK mais aussi aux patients pour qu’ils prennent conscience de leur droit à y participer pour devenir acteur de leur rééducation.

Et vous les kinés vous fonctionnez comment ? Les patients vous en pensez quoi ?

Bibliographie :

« Relations médecins traitants-kinésithérapeutes : évaluation des perceptions des kinésithérapeutes libéraux par la méthode du focus group » Evelyne Delaunay, thèse de médecine de 2009 à l’université de Nantes

« Le bilan diagnostic kinésithérapique évaluation de l’expérimentation de Libourne » Direction de la régulation du système de soins, Assurance Maladie de Gironde, mai 2008 http://slideplayer.fr/slide/1170677/ Gedda M. Décision kinésithérapique : les supports d’aide, de communication et de traçabilité de la décision. Kinesither Rev (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2014.04.001 http://www.physioswiss.ch/download/online/KINE_299_S200_1.pdf

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